Il était une fois... L'imprimerie Draeger
Montrouge est le berceau de la prestigieuse maison Draeger. L’entreprise, qui collabore avec de grands noms du luxe et du monde de l’art, est à l’origine de quelques-unes des plus belles pages iconographiques du XXe siècle.
Montrouge, ville d'imprimeurs
Si, jusqu’au XIXe siècle, les ressources économiques de Montrouge proviennent essentiellement des carrières et de l’agriculture, la ville s’industrialise progressivement au cours du XXe siècle et voit s’implanter de nouveaux acteurs. Parmi eux, on compte notamment une poignée d’imprimeurs : cherchant à agrandir leurs ateliers, ces derniers quittent la capitale faute de place et migrent vers Montrouge, proche des 6e et 7e arrondissements parisiens, hauts lieux de l’édition. Alors que l’on comptait trois imprimeries à Montrouge en 1905, la ville devient au cours du XXe siècle une petite capitale de l’imprimerie, avec une dizaine d’établissements implantés sur son territoire.
Naissance de la maison Draeger
L’une des fières représentantes de la profession à Montrouge est l’imprimerie Draeger. Fondée en 1886 par Charles Draeger, sous le nom « Draeger et Lesieur (imprimerie typo- graphique, lithographique et taille-douce) », puis relancée par son épouse à son décès en 1899 sous le nom de « Draeger frères », l’entre- prise s’installe d’abord rue de Vaugirard à Paris puis, forte d’un succès grandissant, déménage à Montrouge en 1908, passe à l’électricité et commandera même des plans à Le Corbusier pour agrandir l’usine. En 1920, l’imprimerie s’associe avec un publicitaire américain, Wallace, pour fonder l’une des premières agences de communication : Wallace & Draeger.
L'invention du procédé 301
Pionnière dans le monde de la publicité, la dynastie Draeger va régner pendant près d’un siècle sur des ateliers remarquables. Grâce à la mise au point du procédé 301, un procédé unique de restitution des cou- leurs offrant la possibilité de reproduire des œuvres d’art avec fidélité, l’imprimerie est rapidement réputée pour sa qualité et acquiert une réputation internationale. Certaines de ses productions – catalogues publicitaires, photographies pour l’industrie et le commerce du luxe (Revillon Frères, Bugatti, Citroën, Lancôme, Guerlain, etc.) – sont d’une richesse inégalée, ayant nécessité jusqu’à cinq, voire sept passages d’impression (pour des encrages or et argent, par exemple).
Des collaborations historiques
Au début du XXe siècle, l’imprimerie Draeger édite des cartons d’invitation et des affiches publicitaires pour les Magasins réunis de Nancy, en collaborant à cette occasion avec des artistes de l’Art nouveau comme Victor Prouvé. Au fil du temps, Victor Vasarely y travaille comme maquettiste, Colette et Jean Cocteau écrivent les textes de nombreux catalogues publicitaires… La qualité de sa production amène la maison Draeger à se spécialiser dans les livres d’art, s’ensuivent les rencontres avec Dalí, Picasso, Matisse ou encore Marie Laurencin (qui laissera une esquisse au dos de l’épreuve d’une publicité de mode). Si la marque s’est petit à petit diversifiée jusqu’à aujourd’hui, l’activité d’édition est tombée en désuétude et les usines Draeger ont défintivement fermé leurs portes dès 1980. Les archives de l’imprimerie Draeger ont malheureusement été dispersées le 6 mars 1990 à l’Hôtel des ventes Drouot.