Jean-Joseph Renucci, Celebrity Silhouette

L'énigme du tourisme de masse

Voir l'image en grand © Jean-Joseph Renucci

Jean-Joseph Renucci

Naissance : Ajaccio en 1971.
Études : Il sort major de sa promotion à la Villa Arson à Nice en 1998 (avec les félicitations du jury), une École nationale supérieure d’art de référence. Après avoir suivi une autre voie professionnelle pendant 15 ans, il renoue avec la photographie.
Actualités : Aujourd'hui, ses recherches artistiques l'amènent à recycler les quantités importantes de photographies qu'il a pu prendre, stocker, abandonner. Il les revisite en choisissant l'emblématique format carré des pochettes de disque. Une de ses oeuvres, Independance of the seas, a été présentée en novembre 2019 au week-end FRAC Corsica.

Facebook : JeanJosephRenucci.photo

Jean-Joseph Renucci a participé au 58e Salon de Montrouge en 2013 avec deux séries : les Tiny Folks dans laquelle il crée des mondes miniatures, et les Boat people d'où est tirée cette photographie entre cynisme, énigme policière et rigueur géométrique.

2 886 passagers, 349 mètres de long, 37 mètres de large : les caractéristiques du Celebrity Silhouette, le paquebot de croisière qui figure sur la photographie de Jean-Joseph Renucci, donnent le vertige. Sceptique, l’artiste a observé tous ces « immeubles flottants » qui accostent dans le port d'Ajaccio, petite ville de 70 000 habitants qui pourrait être effrayée de voir déferler des marées humaines dans ses rues.
Mais « le compte n'y est pas ! Seuls quelques groupes débarquent effectivement et je me suis demandé où étaient les autres passagers… » confie-t-il. « En fait, ils restent à bord ! Je les ai observés : ils font bronzette sur la terrasse de leur cabine. » Alors qu'un des arguments de ces croisières est la découverte de la culture et des grandes civilisations de la Méditerranée.

Les marionnettes d'un théâtre de poche

Jean-Joseph Renucci porte un regard critique sur le comportement de nombreux touristes qui restent entassés sur les ponts étroits et qui se contentent des cartes postales, d'où le nom de la série de photos : Boat people. « Sur un plan d’analyse sociologique, cette série se réfère, en toute humilité, aux travaux de Martin Parr, ou plus proche de nous, à certaines images du jeune Xiao Zhang mais à l’inverse de ces derniers, sur un plan strictement formel. Ici la photo n’est pas vraiment prise « sur le vif », elle est au contraire presque « posée », les sujets sont comme les marionnettes d’un théâtre de poche dont les limites sont celles que définit la cabine... » complète l’artiste.

Avec le quadrillage des lignes horizontales et verticales, l'image devient un motif abstrait. Lorsque l'artiste appuie sur le déclencheur, il se concentre sur l'orthogonalité qui doit être rigoureuse pour que l'image fonctionne.
C'est donc après coup qu'il découvre les détails, qu'il scrute les cases qui réservent des surprises comme un calendrier de l'avent. Il s'amuse à se prendre pour James Stewart dans Fenêtre sur cour d’Hitchcock ou pour David Hemmings dans Blow-Up d'Antonioni, tous deux témoins d'un meurtre par hasard. « Chaque bateau est une énigme policière… » conclut Jean-Joseph Renucci.